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Ça vous tente? Et bien voilà la première!
AVOIR L’AIGUILLETTE NOUÉE, UN SORTILEGE POUR MARIÉ
Le printemps, c’est aujourd’hui !
Avec l’arrivée de cette saison plus clémente, c’est la période des mariages qui va reprendre !
Dans nos belles régions de France, pas de mariage en hiver, ni durant le Carême et encore moins durant le mois de Mai (je vous expliquerai tout ça une prochaine fois), puis il y les pénibles et accaparants travaux aux champs, les moissons, les vendanges en fin d’été, … Bref, les mariages sont célébrés à la chaine, parfois plusieurs en même temps, mais restent très très festifs !
Les croyances et superstitions liées au mariage sont très nombreuses. En voici une redoutable !
« Nouer l’aiguillette », voilà un bien vilain sortilège !
Un peu de sémantique d’abord. L’aiguillette était un fin cordonné ferré à son extrémité qui servait à lacer le haut de chausse au pourpoint. « Dénouer l’aiguillette » signifiait ouvrir sa braguette !
Mais alors qu’entendait-on autrefois par « nouer l’aiguillette » ?
En 1193, à la suite du décès prématuré de sa femme, Philippe Auguste épousait Ingeburge de Danemark en la cathédrale d’Amiens. Mais le lendemain de la noce, le roi de France s’écriait, furieux : « Elle m’a noué l’aiguillette ». Il accusait alors publiquement sa nouvelle épouse de l’avoir rendu impuissant durant leur nuit de noces. Nuit de noce royale non consommée = peur de ne pas avoir de descendance = mariage annulé !
Au Moyen-Age, l’impuissance masculine s’expliquait uniquement par l’action malveillante d’un tiers. L’homme privé de sa virilité attribuait toujours la mollesse de son aiguillette à une femme jalouse, envieuse, délaissée ou à des rivaux éconduits.
Le noueur ou la noueuse d’aiguillette semait donc la zizanie au sein d'un couple, empêchant la nuit de noce d’être consommée, et de facto la continuité de la lignée, qu'il soit d'extraction modeste comme de royale lignée.
Sachez que les animaux domestiques furent également la cible des noueurs d’aiguillette : pas de petits, pas de pérennité du cheptel, pas ou moins de revenus ! Coquin de sort, on vous dit !
La magie des ligatures et des nœuds est décrite dans le « Petit Albert » : « Nouer le pénis d’un loup avec un fil blanc, au moment même où la victime répond à son nom ».
Pas si simple de faire cet enchantement… Il faut avoir tout de même avoir un loup sous la main !
Heureusement, les poitevins nous sont venus en aide ! Leur formule pour jeter le vilain sortilège était plus simple : il suffisait de faire trois nœuds à trois rubans en pensant fort aux futurs mariés, durant leur messe de mariage. Dans d’autres régions, le sortilège était proche : le noueur, armé d'un cordon de chanvre ou de lin, d'un lacet de cuir, voire même d'un cheveu, visualisait son but tout en psalmodiant à voix basse quelque incantation ou prière, alors que, dans le même temps, il réalisait plusieurs nœuds successifs afin de sceller son sort au futur époux.
Cette pratique fort ancienne, puisque relatée par les poètes latins Ovide et Virgile il y a 2000 ans, fut prise très au sérieux par les autorités ecclésiastiques.
Au XIIIème siècle, l’Eglise frappait d'excommunication toute personne se rendant coupable d'un tel procédé. L’Inquisition s’empara du sujet et de nombreuses « sorcières » eurent un sort funeste à cause de sortilège.
Cela dit, il est temps de chercher un remède à cet ensorcellement. Comment dénouer l'aiguillette ? Pléthore de moyens furent essayés : diverses plantes comme l’ancolie, le gui, l’armoise, le droséra, la joubarbe, mais aussi des substances minérales comme la poudre de menhir ou la poudre issue du grattage du socle de la statue d'un saint favorable. Il semblerait aussi que manger un pivert, oiseau au bec dur ou des testicules de lièvre soit un bon remède. Si votre quête de l’oiseau est vaine, réciter des psaumes à rebours ou dire une messe à l'envers tout comme procéder à un exorcisme semblait être le remède « religieux » proposé. Les athées pouvaient essayer d’en passer par la fameuse technique consistant à uriner à travers son alliance.
En réalité et avec un peu de pragmatisme, il est fort à parier que, dans de nombreux cas de nuits de noce non fructueuses, la journée du mariage chargée en émotions, accompagnée d’un repas festif et copieux, terminée par une multitude de danses, le tout bien trop arrosés pour le marié, aient eu raison de sa virilité !
Sources :