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Sophie Sesmat,
spécialiste en arts
et traditions populaires
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Bijoux en cheveux

Bijoux régionaux
Foire aux cheveux en Bretagne
La petite histoire du commerce et du travail des cheveux humains
 
L’âge d’or du travail du cheveu humain se situe entre 1820 et 1860.
Aujourd’hui, il nous semblerait incongru, peut-être un brin malsain, de faire faire un bracelet avec les cheveux de notre maman, de notre tante décédée ou de notre chéri… Et pourtant cette idée fut largement répandue et très en vogue, même !
Comme nous aimons mettre les choses dans de petites cases, de nombreux historiens ont classifié les bijoux en cheveux comme étant normands. Même si cela est très vrai, il est important de souligner qu'il s’en est fait dans d’autres régions de France et à Paris.
Les normandes et les bretonnes vendaient bien volontiers leurs cheveux, tout comme les auvergnates, réputées âpres au gain. Finalement, c’est toute femme de basse extraction, souhaitant gagner quelques sous, qui proposait sa chevelure au marchand de cheveux, lors du marché aux cheveux local.
Et oui, le cheveu, au-delà de sa contribution à la féminité de chacune, était un bien commercialisable ! Cependant, il faut souligner que le bijou en cheveux était porté par des femmes de standing et non des paysannes.
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Le cheveu est travaillé depuis bien longtemps, en fait. Il est la seule partie du corps humain qui ne pourri pas et qui peut donc se conserver quasiment « ad vitam aeternam ».
La mèche de cheveux est avant tout une relique et c’est en tant que telle qu’elle est prélevée sur le corps. Précieusement conservée,  les femmes l’ont longtemps portée sur elles, dans de petits médaillons vitrés.
Et voici la naissance du bijou « cheveux », autrement dit un reliquaire, qui plus tardivement deviendra bijou « en cheveux », plus décoratif.
Il s'agit en réalité d'une tradition ancestrale de prélever une mèche de cheveux sur des personnages célèbres, après leur décès : Agnès Sorel, Henri IV, Louis XVI, Marie-Antoinette, …, reliques précieusement conservées aujourd’hui dans divers musées, tant pour leur intérêt historique que pour leur intérêt sentimental.
 
Andrée Chanlot, dans son excellent ouvrage qui fait référence en la matière*, indique que les premiers bijoux « cheveux » dateraient du XIVème siècle.
Pour être très honnête, elle ajoute que les anglais, à cette même période, réalisaient déjà des broderies de soie et de cheveux.
La mode des bijoux entièrement conçus en cheveux date, quant à elle, des années 1830 et 1840. Les « artistes en cheveux » continueront cependant à en produire jusqu'au tout début du 20ème siècle, mais l’intérêt déclinant fortement, on ne notera plus du tout d’artistes en cheveux en 1945. C'est très probablement l'essor de la photographie qui a mis un terme à cet type d'ouvrage. Et voilà un étonnant métier qui s’éteint en même temps !
 
La technique employée pour réaliser ces bijoux est celle du tissage et de la passementerie.
C’est donc par la confection de cordons et de tresses, avec des fuseaux, mais aussi sur des métiers à tisser, que les bijoux prennent forme.
Le livre d’Andrée Chanlot lève le voile sur un aspect technique qui me chiffonnait : travailler le cheveu doit être compliqué car la matière est très souple et libre. Elle indique donc que les mèches sont d’abord brossée avec de la farine, lavées avec du savon ou du son puis ébouillantés pendant 45 minutes pour les rendre rigides. Elles sont alors prêtes à être employées.
Voici un extrait qui viendra compléter la mise en œuvre de la réalisation des bijoux :
 
« La fabrication de bijoux est basée sur l’utilisation de cordons et de tresses. Le tressage est réalisé par l’entrecroisement des cheveux suivant un carton, à l’aide de fuseaux sur un métier à faire les cordons ou sur un carreau de dentellière. L’ouvrage une fois terminé, est rendu rigide par l’action prolongée dans l’eau bouillante. Il peut être confié à un bijoutier pour son montage final, mais est souvent réalisé par l’artiste lui-même, qui raccorde les chaines avec des coulants en or ou colle à la gomme les fermoirs, les reliquaires, etc… Bracelets et bagues résistent à l’épreuve du temps car ils sont tressés serrés. Par contre, les croix, les colliers, les pendants d’oreilles, tissés en tubulure autour d’un fil de fer retiré après séchage, sont creux et résistent mal aux accrocs. »
Extrait p 135, Bijoux et orfèvres en Haute-Normandie au XIXème siècle, Brigitte Bouret
 
Madame Chanlot a réalisé une classification des différents types d’objets faits en cheveux et voici l’extrait relatif aux bijoux, qui expliquent le sens et les circonstances du don de la chevelure :
 
« -des témoignages d’affection entretiennent le souvenir des amis, des émigrés, des grands voyageurs, des militaires, dont les bagues de cheveux deviennent le symbole des liaisons éphémères nouées au cours des campagnes impériales. Ainsi la bijouterie sentimentale est courante.
-après décès, les cheveux, légués par le mourant ou prélevés à la mort, sont précieusement conservés dans des médaillons reliquaires, en mèches, associé ou non à une photographie, disposés en bouquets ou tableaux funéraires. 
Ils sont aussi transformés en chaîne de gilet, cordons de montre, bijoux divers, que rien ne distingue, hormis parfois une devise, des bijoux ou accessoires de mode ordinaires. » Extrait page 31
Le bijou en cheveux est donc un bijou sentimental, très lié à l‘époque Romantique, en place en France à cette époque. On s’échange une mèche de cheveux en gage d’amitié, d’amour, pour sceller une fidélité qui patientera jusqu’au retour de l’un des deux amants.
La mèche mise en œuvre est à la fois masculine et/ou féminine.
Le bijou sentimental très souvent simple, élégant mais dépouillé, tout comme il peut être une grande richesse lorsqu’il s’adresse à une clientèle aristocratique ou très fortunée.
Le bijou « cheveux » est quant à lui, une relique, un bijou de deuil.
C’est le développement de la photographie qui met un terme définitif au bijou de deuil « cheveux » et à son cousin, le bijou « en cheveux ».
 
Il est vrai que nombreuses bagues présentent des pensées ou des décors émaillées sur monture en or jaune, souvent agrémenté d’une pensée et parfois, on y lit la mention « Pense à moi », avec parfois une pensée à la place du mot « pense ». On trouve aussi les mentions « souvenir », « qu’elle me rappelle un ami », « souvenir d’amitié », ... le tout inscrit sur les fermoirs ou sur des éléments décoratifs ajoutés aux tresses et cordons en cheveux.
La tresse, le cordon ou l'ouvrage en cheveux destiné à devenir un bijou, est alors agrémenté de coulants, d'anneaux, d'un fermoir, boucles, le tout soit  en or, soit en argent. Ces parties métalliques peuvent être ornés de perles, de pierres précieuses ou semi-précieuses, d'émaux, ... Le bijou en cheveux se fait précieux et élégant.
Le bijou en cheveux est souvent agrémenté de motifs symboliques comme la colombe et la tourterelle, les mains croisées, le cadenas, le myosotis et le lierre, le serpent, la croix, le cœur... Les bijoux les plus fréquemment rencontrés, après les médaillons, sont les bagues, les chaînes de colliers, les bracelets. La mode des cheveux concerna aussi les accessoires du costume : ceintures, bourses, chaînes de montre, boutons, éventails, travaillés à la mode du temps se trouvent aujourd'hui sur le marché.
 
En ce qui concerne la conservation de tels bijoux, on ne va pas se cacher : nombre d’entre eux nous arrivent en état moyen, très souvent accidentés (fermoir cassé et tresses se défaisant, trous, manques, …). La mise en œuvre de cheveux implique nécessairement une certaine fragilité du bijou. Une manipulation douce et précautionneuse s’impose donc !
 
LES BIJOUX EN PHOTO CI-APRES NE SONT PAS EN VENTE.
ILS ILLUSTRENT UNIQUEMENT L'ARTICLE.
CEPENDANT, IL Y EN A DANS LA BOUTIQUE DU SITE EN CE MOMENT, DECOUVREZ-LES EN CLIQUANT ICI :
 
 
*UN LIVRE A AVOIR DANS SA BIBLIOTHEQUE :
Les Ouvrages en cheveux : leurs secrets, Andrée CHANLOT, Éditions de l'Amateur (1986),
ISBN-10: 2950112218
ISBN-13: 978-2950112217

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