Aujourd’hui tombé en total désuétude, le pèlerinage ou « voyage de Sainte Reine » était un haut lieu de foi. Il drainait une masse de pèlerins assez incroyable : on parle de 60 000 pèlerins par an, venus de toute l'Europe et durant la première moitié du XVIIème siècle. En effet, en 1648, l’exposition des reliques relancent le pèlerinage : un hospice est alors construit, soutenu par saint Vincent de Paul et la reine Anne d’Autriche.
Cette dévotion se perd littéralement durant le XVIIIème siècle, siècle des Lumières, balayant les croyances populaires basées sur de l’intangible et préférant des faits rationnels et scientifiquement explicables. Il n’existe donc pas de boites de sainte Reine datant de cette période car le pèlerinage était éteint. Le pèlerinage renait au milieu du XIXème siècle, grâce à la célébration d’un mystère de type médiéval : la "Tragédie de Sainte-Reine", encouragé par les autorités ecclésiastiques.
Ces milliers de pèlerins représentaient, il faut bien l’avouer, une manne financière non négligeable et un commerce important d’objets religieux vit le jour. Parmi les médailles, les plombs de pèlerinage, les images pieuses, les boites de Sainte-Reine sont les objets incontournables et oubliés qu’il faut remettre à l’honneur. Alors attention, patrimoine précieux en vue !
Les recherches en cours depuis une quinzaine d’années ont permis de recenser seulement une cinquantaine de ces boîtes qui se répartissent entre deux séries, respectivement du XVIIème et du XIXème siècle. Il n’existerait pas de boites de Sainte Reine datant du XVIIIème siècle.
L’armoire de Sainte Reine est une petite caisse en peuplier, qui possède deux volets permettant de la fermer et d’en cacher le contenu. Il existe un second modèle, en forme de chapelle, dont le toit est en bâtière : c’est le modèle du XVIIème siècle, le plus prisé et le plus raffiné.
L’iconographie varie selon les époques. Le papier peint ou coloré posé sur l’intérieur des volets et au fond de la boite permet une datation assez précise : lorsqu’il est dans des tons bleu-gris, il date du XVIIème siècle et dans des tonalités sont plus vives, il date du XIXème siècle.
En règle générale, Sainte Reine est au centre de la boite, entourée de scénettes de plus petite taille, illustrant sa légende et mettant en scène de nombreux personnages. D’autres boites la représentent auprès du Christ en croix, habillée en princesse, face à sa nourrice. Olibrius est représenté à petite échelle et une tour de flamme rappelle la prison de Grignon, dans laquelle elle fût emprisonnée.
Au début du XVIIème siècle, les figurines sont en terre cuite, en bas ou en haut reliefs peints, en blanc ou en couleur. Les boites contenant des figurines à tête de cire apparaissent après 1800. La composition s’ordonne autour de la sainte couronnée, au buste nu, portant une jupe longue et une ceinture. A côté d’elle on trouve son portrait en bergère avec une quenouille, sa nourrice, des anges, le cuveau dans lequel on a tenté de la noyer, le bourreau armé de son cimeterre qui s’apprête à la décapiter, la colombe apportant la palme du martyre, son effigie en bergère, avec ses moutons et des croix devant les trois ormeaux.
Ces belles boites sont de véritables petits théâtres, retraçant la vie de la sainte, à la fois pour mieux la faire connaitre mais surtout pour mieux la vénérer.
Ces armoires aujourd’hui recherchées, étaient autrefois vendues sur place ou par des colporteurs, nommés « montrons », qui partaient les vendre à plusieurs centaines de kilomètres d’Alise-Sainte-Reine, notamment en Bresse tournugeoise et mâconnaise, dans le lyonnais, en Auvergne et en Savoie.
Réalisées dans des matériaux fragiles, périssables et difficiles à entretenir, les boîtes de sainte Reine conservées en bon état sont très rares, à tel point que les collections publiques françaises n’en conservent qu’une douzaine et on en connait une cinquante en tout …
Il en passe une tous les 5 ou 10 ans en salle, alors soyez sur le qui-vive si vous souhaitez en acheter une, cela vous laisse le temps de remplir votre petit cochon… Les prix réalisés sont en conséquence de la rareté!
Voilà un bel objet de dévotion domestique, reflet d’un Art Populaire, enraciné depuis des siècles dans une petite région très localisée et qui, aujourd’hui, doit encore faire la fierté de ses habitants (bin, ça oui, alors, un si bel objet doit vous rendre très fiers, amis bourguignons !)