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Sophie Sesmat,
spécialiste en arts
et traditions populaires
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Bouquet de moisson

Croyances et coutumes
Fauchage dans le Nivernais
Dans les campagnes de France, au mois d'août, c'était la moisson. 
Les champs étaient couverts de blé et de faucheurs, besogneux, pliés en deux. Le temps de la moisson était crucial : il permettait de jauger la récolte et envisager sereinement, ou non, l’hiver et l’année à venir. Pour vous donner une idée de l'importance du blé, gardez bien en mémoire qu'un homme vivant en Savoie, en 1850 mange, lui seul, 1 kilo de pain par jour. Un ouvrier a droit à 800 grammes de pain et un enfant mangeait environ 300 grammes. Le pain était l'aliment principal du repas : il était trempé dans la soupe, pour l'épaissir.
 
Le bouquet de moisson est un beau témoignage de ce temps fort d’autrefois.
Il s’agit d’un bouquet sec en tiges tressées ou liées entre-elles, de manière à composer un élément central (tige, tronc, cercle, losange, carré ou vide) autour duquel s’articule un décor, qui laisse éclore les épis sur les bords, vers l’extérieur. Il est généralement composé de tiges de blé ou d’orge, ramassées encore vertes, juste avant la période des moissons. Une fois tressé, le bouquet pouvait éventuellement être orné de rubans ou de fleurs séchées.
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Il existe deux types de bouquets de moisson, ayant la même structure mais dont la destination diffère.
 
Le premier est un cadeau. C'était une coutume d'offrir un bouquet de moisson car il portait bonheur.
 
Le bouquet de moisson fût très populaires jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans différentes régions de France et notamment en Normandie. C’est LE cadeau offert par les ouvriers de ferme, embauchés pour les moissons, à l’épouse ou au cultivateur lui-même. Le bouquet est offert à la fin de la moisson, en guise de remerciements pour les bons soins de la maitresse de maison. En Charente-Maritime et en retour de ce cadeau, la maitresse de maison offrait  « la balayette », qui était le dernier repas de la moisson.
 
Le deuxième est objet de dévotion. Il protègera le foyer et l'exploitation durant l'année à venir.
Le bouquet de moisson peut prendre la forme d'une gerbe car il peut s'agir de la première gerbe coupée, décorée et bénie à l’église puis déposée sur l’aire de battage.
Elle possède alors des vertus prophylactiques et protectrices.
« En Franche-Comté, on fait des bouquets d’épis de blé, d’orge, de tiges de pois  et de lentilles qui sont bénies durant la messe. Chez eux, les assistants égrènent la glane bénie sur leur gerbier (meules de gerbes).
Dans le Morvan, les bouquets bénis enjolivés d'œillets de poète et d'aubépine, sont liés par un ruban, conservé dans une armoire et jeté au feu, fleur par fleur, pendant les orages. »
Extrait issu du « Dictionnaire des objets de dévotion », p.52
 
Je vous propose un extrait, afin de découvrir l'histoire de cet objet paysan : 
« Pour la petite histoire, sachez que les bouquets de moisson existent déjà depuis plus de 5000 ans. On en trouve dans le monde entier sous des formes variées. Ils étaient généralement symboles de fertilité. La dernière gerbe de moissons coupée, on en faisait une figurine, ce qui donnait lieu à des festivités et des cérémonies rituelles. 
Cybèle, déesse de la moisson, vivait pensait-on, dans les figurines tressées dans les épis mûrs que l'on gardait à l'abri l'hiver durant, pour protéger la déesse. Au printemps, on avait coutume de les jeter dans les champs pour que la déesse favorise la germination du grain. (…)On en a retrouvé des spécimens sous forme d'anges au Mexique, en Allemagne, et en Scandinavie on réalisait aussi des objets décoratifs avec du blé. (…) C’est un porte-bonheur, symbole de fécondité.
Presque toutes ces coutumes exprimaient la joie des moissonneurs et des batteurs de voir arriver la fin du travail ardu et leur reconnaissance pour le bon achèvement de la moisson. Avec les dernières gerbes ils fabriquaient des mannequins de paille qu'ils abandonnaient sur les champs. Tout en exprimant leur reconnaissance, ils formulaient des pensées pour obtenir une moisson fructueuse l'année suivante car ils ne savaient que trop combien de dangers menaçaient la jeune semence. Une bonne moisson signifiait pour eux la possibilité de survivre et d'avoir du pain une année entière. (…)
 
En Champagne, on l'appelle "gerbe des volailles" et on l'offre à la plus belle fille de la maison. 
En Normandie, c'est la "gerbe de la maîtresse" : c'est le maître des lieux qui la lie lui-même avant de la donner à sa femme. 
En Bretagne, la patronne délie la "mère gerbe" et offre à boire. 
En Bourgogne, la "gerbe cuisinière", qui vaut dix gerbes normales, est réservée aux femmes ayant préparé les repas durant la moisson. 
Dans les Deux-Sèvres, la "gerbe de pampaille", préparée par les filles, est destinée à celui qui a moissonné le premier sillon.
"Acceptez ce bouquet, il n'est ni beau ni bien fait, mais de bon cœur il est donné, acceptez-le tel quel !" dit un refrain populaire à propos du premier bouquet de moissons. 
En Lorraine, on l'offrait à la maîtresse de maison, décoré de fleurs et de rubans. 
Dans le Pas-de-Calais, on lui ajoutait des bleuets et des pavots, et après bénédiction du curé, on le suspendait au plafond de la chambre.
 
Le blé possède ses dieux et ses rites, oubliés aujourd’hui. Un peu partout, les hommes ont cru à un esprit du blé qui se logeait dans la dernière gerbe de la moisson et ils l’ont matérialisé sous la forme d’une vannerie à l’image de l’homme ou de l’animal symbolique (chèvre, chien, renard, coq).(…)
 
La moisson terminée, les ouvriers agricoles offraient alors à leur employeur une sorte de médaillon fait d'épis de blé tressés et de paille, désignée sous le terme poétique de bouquet de moisson.
C'était tout un art de confectionner ce médaillon. Avec un soin particulier, il fallait d'abord rechercher les plus beaux épis ayant une paille assez longue. On épluche ensuite le blé au premier noeud et on le travaille avec précaution pour éviter de le casser. On peut alors orner le centre du médaillon de motifs divers, toujours en paille : une fleur, une croix, un fer à cheval... L'imagination et le goût artistique étaient les qualités requises, pour celui qui se chargeait de la réalisation du bouquet de moisson.
Entouré de tous ses compagnons faucheurs, il s'en allait solennellement le porter au maître des lieux, lequel s'extasiait, remerciait et, pour montrer sa satisfaction, il invitait l'ensemble du personnel à des agapes fraternelles qu'on désignait sous le terme de "la parsoye ". Ce repas comprenait généralement du porc frais et des pâtés, boeuf et veau et des tartes au dessert, dans le Boulonnais. (…)
                                                       
Il existe, en France, d’autres types de travaux en tiges tressées, comme :
-les petites croix fabriquées en osier ou noisetier étaient encore utilisées au début du siècle dans les régions du centre de la France au moment des rogations. Les hommes les plantaient aux quatre coins des champs pour protéger les récoltes. Elles mesurent 10 cm de haut.
-Le collier de cheval : il est originaire de la région de Montreuil sur Mer, en hommage à l'étalon boulonnais.
-Les faveurs : ces faveurs à 3, 5, 7 brins étaient aussi confectionnées par les valets de ferme et offertes à la femme ou à la fiancée en gage d'amour.
-L'araignée de Montreuil : elle est originaire de Montreuil-sur-Mer. Elle était offerte à la maîtresse de maison.
-L'éventail Gallois : au Pays de Galle il était offert à l'occasion des anniversaires de mariage et il comportait autant d'épis que d'années.
-La glane de Normandie : elle comprend sept branches qui correspondent aux sept jours de la semaine.
-La chuchette : dans le Pas-de-Calais, elle était placée dans le grenier avant d'y entreposer les gerbes de céréales. Ainsi on demandait protection contre les rongeurs et les incendies.
-La poupée des moissons : confectionnée traditionnellement par les enfants lors de la fête de la Saint-Jean, elle était ensuite jetée au feu. 
 
Ces bouquets peuvent aussi être langage d'amour, tel le ruban à cinq pailles.
C'était les valets de ferme qui les réalisaient, et ces faveurs constituaient des gages d'amour pour l'élue de leur cœur. 
Les rubans qui décoraient ces objets traditionnels ont diverses significations : 
le rouge représente le coquelicot et la chaleur, 
le vert : le printemps et la fécondité, 
le bleu : le bleuet et la vérité, 
le jaune : le blé et la déesse Cérès, 
le blanc : la pureté, 
le marron : la terre. »
 
Extraits du site : http://yves.dekneuvel.free.fr/page007.htm
EXTRAIT ISSU DU SITE DU MUSEE DE MARTINVILLE (Normandie) 
 
LES BOUQUETS DE MOISSON
 
"Dans le Pays de Caux, la taille des fermes rendait indispensable pour les grands travaux agricoles, comme la moisson, le recours à une main d’œuvre extérieure qui dépassait le cadre familial. C’est ainsi que l’on faisait venir en renfort les « aoûteux ». «Faire le mois d’août » selon l’expression consacrée c’était « faire la moisson ». 
Pendant trois semaines à un mois, ces ouvriers agricoles fauchaient les céréales et confectionnaient des gerbes puis des meules qu’ils rentraient ensuite, le battage n’ayant lieu que l’hiver sur l’aire à battre intérieure de la grange. La maîtresse de maison en les accueillant leur offrait un repas, « la parseye » ou « le pus aisé » et à l’issue de la moisson un autre repas "le caudé" en échange d’un bouquet de moisson confectionné par les aoûteux pendant leur temps de pause."

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