Autrefois, un type de pioche appelée « l'ancre » était utilisée. Les arracheurs s'en servaient comme d'un levier pour déterrer les rhizomes.
Mais c’est la fourche à gentiane qui est la plus efficace.
Deux régions se bataillent la création de la « fourche du diable », certains la disent jurassienne d’origine (où elle porte le nom de « croc ») et d’autres qu’elle fut mise au point en Auvergne.
Selon eux, elle fut inventée en 1960 par Antonin Auzolle, un auvergnat. Puis elle fut perfectionnée par un habitant de Saint Simon.
Moi, j’en doute, je la pense bien plus ancienne ! C’est plutôt un outil qui date, en terme de conception, du XIXème siècle et qui est bien auvergnat.
La « fourche du diable » est en effet particulièrement adaptée au sol des régions volcaniques.
Il semblerait en fait que les jurassiens aient tenté de copier la fourche à gentiane, mais sans succès, justement à cause de la nature de leur sol, différente de celle d’Auvergne.
La « fourche du diable » est une fourche étroite dont le fourchon est en métal, doté de deux longues dents droites ou légèrement courbes, munie d'une sorte de marchepied, ou de deux cales pied de part et d’autre du fourchon, sur lequel le « gentianaire » (nom donné au récolteur de gentiane ou « gençanaïre » en patois) saute pour enfoncer les dents dans le sol.
Elle est généralement dotée d’un long manche, qui permet de décupler la force du gentianaire. Les pointes et lames ont été renforcées et rallongées, parfois de manière démesurée, pour permettre un arrachage facilité et moins d’effort, mais surtout pour résister à la pression due à l’extirpation des racines, car l’homme doit peser de toutes ses forces sur le long manche pour extraire la racine.
Sachez qu’un bon arracheur peut extraire 200 à 300 k de racines par jour. Le tout, à la simple force de ses bras !
La plante met une vingtaine d’années à acquérir la taille adulte, ne fleurit que tous les deux ans et ne fleurit la première fois qu'au bout de sept ans. La récolte ne porte que sur des plantes largement adultes (de 15 à 20 ans).
Les racines trouvent plusieurs emplois : en distillerie et en pharmacie herboristerie.
En distillerie pour l’apéritif : les rhizomes sont triés, lavés, brossés puis coupés en petites carottes qui vont macérer pendant un an dans de l'alcool de très bonne qualité. Ils sont agrémentés d’infusions de plantes aromatiques. Ce n’est qu’après de longs mois de macération des racines dans l’alcool qu’intervient la distillation. Le jus extrait (alcoolat de gentiane) sert de base à la préparation de la belle liqueur dorée à l'exquise amertume, commercialisée sous différentes marques.
N’oubliez pas que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé et qu’il est à consommer avec modération.
En pharmacie herboristerie : Cette plante a des vertus multiples : elle est tonique et fébrifuge (elle chasse la fièvre). Après une promenade en montagne, si vous avez la gorge sèche, après l'avoir déterré et écorcé, vous pouvez sucer un morceau de rhizome; vous en serez tout ragaillardi. Mais attention, la Gentiane a une cousine redoutable, le vératreblanc, très toxique!
Seuls les rhizomes de printemps sont utilisés en herboristerie, pharmacologie et cosmétologie, après avoir séché pendant tout un été dans un enclos sur l'estive puis dans un local aéré.
La gentiane est aussi utilisée en médecine naturelle pour traiter les troubles alimentaires dus à l’anorexie.
Bien que cette plante soit cultivée, la récolte de la gentiane sauvage reste une source importante de revenu commercial et elle aide aujourd’hui à valoriser les régions forestières.
Comme les montagnards, surveillez la grandeur de la lampe florale des gentianes jaunes, car elle annonce la hauteur de neige de l’hiver à venir.
Un dernier mot : si vous en trouvez une, gardez-la précieusement, ça ne court par les rues !