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Sophie Sesmat,
spécialiste en arts
et traditions populaires
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Mouchoir d'instruction militaire

Objets pour les messieurs
Mouchoir d'instruction militaire conservé au château de Martainville
Il se nomme aussi « mouchoir de cou » ou « mouchoir de poche ».
 
L’objet dont nous parlons est un carré de tissu de coton, mesurant environ 65 par 80 cm de côté.
Le mouchoir illustré était, avant tout, un élément du costume populaire des Normands. Il se portait en fichu pour les femmes et en cravate nouée autour du cou pour les hommes. Longtemps, le mouchoir a joué un rôle essentiel dans la vie sociale : il était très efficace dans les parades de amoureuses et de séduction.
 
Il était aussi le compagnon de nombreux militaires, nouvellement appelés sous les drapeaux, à qui toute l’instruction militaire et éducation manquaient. 
Pour remédier à ce manque, dès 1784, plusieurs lettres patentes du Roi imposent une forme carrée standard pour la production manufacturière et industrielle des mouchoirs : 70 x 70 cm.
 
Ce type de mouchoir bien particulier était constitué d’une scène centrale, souvent en noir et blanc, rehaussée d’un entourage coloré et agrémentée de petites scénettes en pourtour. Il existe des modèles verts, bleus, ocres, rouges, avec une couleur dominante principale, du blanc et du noir.
Les thèmes abordés sur les mouchoirs illustrés sont très variés : militaire, humoristique, hygiénique, moraliste, historique, politique, premiers secours, …
Leur point commun est la mise en lumière des mentalités, les mœurs et coutumes ou encore les événements d’une époque, à tel point que le choix du mouchoir porté autour du cou par un homme était stratégique : il informait clairement sur ses opinions politiques, son attachement à un régime ou à un homme politique, à une confrérie, à un corps de métier, …
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Finalement, on se rend vite compte que le mouchoir illustré, derrière toute notion décorative ou d’embellissement vestimentaire a surtout une forte vocation informative et éducative.
 
Nombreux sont ceux, qui autrefois, ne passaient pas longtemps sur les bancs de l’école et ne savaient ni lire, ni écrire.  En 1910, 10% des paysans de France ne connaissaient pas l’alphabet ! Le dessin, sous forme de bande dessinée, était donc un excellent moyen d’éduquer les analphabètes, ce que firent parfaitement les vitraux dès le Moyen-Age.
 
Il est alors temps de parler des mouchoirs d’instruction militaire.
Mais qu’est-ce qu’un mouchoir d’instruction militaire ?
C’est comme un manuel d’instruction, il permettait au « bleu » de devenir un bon militaire, quelle que soit son origine sociale et quel que soit le niveau scolaire de la nouvelle recrue.
Par exemple, il existait un mouchoir, appelé « Revue de détail », qui constituait un épisode emblématique et essentiel de l’instruction militaire. Le mouchoir détaillait par le dessin, tout l’apprentissage nécessaire pour disposer les éléments de son paquetage de manière réglementaire, afin d’en faire constater le bon entretien. Ces revues régulières étaient très redoutées car elles étaient l’origine d’innombrables punitions. D’ailleurs, les anciens ne se gênaient pas pour monnayer leur aide et leurs conseils auprès des nouveaux conscrits.
Il est même dit sur le mouchoir d'instruction où le ranger… c’est dire ! 
Les Alliés parachutés sur la France ne sautaient pas sans un foulard imprimé de la carte de l'Hexagone, dont on trouvait encore des exemplaires en 1945.
 
Les mouchoirs d'instruction militaire font leur apparition après la loi sur le recrutement de 1872. Les premières séries apparaissent vers 1873-1875 et ils sont officiellement autorisés en 1880. Après la défaite de 1870, la France, préparant sa revanche, appelle tous les hommes de 20 ans à partir sous les drapeaux. Or cette génération de soldats est encore majoritairement analphabète car l’école ne sera obligatoire qu’en 1882. Ces premiers mouchoirs furent imprimés par les établissements Ernest Renault à Darnétal. Ils étaient d’abord gravés sur des plaques de cuivre par l'atelier rouennais de gravure d'Alfred Buquet et les textes étaient rédigé par le commandant Perrinon de la garnison de Rouen.
Les mouchoirs d’instruction militaires étaient imprimés sur du coton, avec une encre noire dite « indestructible », par la manufacture Renault de Rouen. 
 
Le mouchoir permettait de faire tenir un maximum d'informations dans un espace restreint : une excellente économie de moyens et pour un très bon niveau d'efficacité. N’oublions pas que le paquetage du fantassin pesait une trentaine de kilos et le mouchoir quelques grammes seulement !
Parmi les mouchoirs, vous trouverez comment démonter et remonter un fusil Chassepot, le secours aux blessés, le franchissement des ponts militaires et passage des rivières, …
 
Le mouchoir d'instruction va être adopté un peu partout, de l'Empire austro-hongrois à l'armée impériale russe. Il ne quittait alors plus les soldats, qui l'enroulaient autour de leur cou, le portaient sous leur casque dans la chaleur des colonies ou le punaisaient au-dessus du lit dans la chambrée.
Bientôt, le foulard se taille en triangle et devient pansement de fortune, avec, imprimé sur l'étoffe, le mode d’emploi pour juguler une hémorragie ! Il fait aussi office de vulgarisation scientifique, expliquant comment prendre des douches, à une époque où l'on se lavait à l'évier, ou comment maîtriser la natation en 19 images !
Au soldat qui sera un jour rendu à la vie civile, on fournit aussi les trucs et astuces d'un bon père de famille : comment détruire les mouches dans les habitations ou réagir face à une asphyxie au carbone !
 
A partir de 1937, les manuels d'instruction font leur apparition car les conscrits savent tous lire à présent.
Les mouchoirs imprimés vont avoir une fin très heureuse : un fournisseur d'équipement militaire, sellier du faubourg Saint-Honoré, reprend l'exercice à sa façon et crée le « carré Hermès », symbole de luxe mais surtout héritier en direct ligne des mouchoirs imprimés.
 
Aujourd’hui, comme une image d’Epinal, le mouchoir de cou peut être mis au mur simplement ou mieux, encadré. Ainsi exposé et examiné de près, il dévoile alors toutes les subtilités des illustrations et des textes qui l’accompagnent.

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