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Sophie Sesmat,
spécialiste en arts
et traditions populaires
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Moule à kouglof

Objets de la cuisine
Moule alsacien ancien
L’étude de ce type de moule à gâteau alsacien est très intéressante. 
On y relève avant tout et principalement la grande variété des formes, qui elle, met en exergue, une forte identité régionale présente en Alsace.
Le principe est simple : un moule pour chaque évènement ou temps fort de la communauté. Ces différents usages prennent racine dans l’année liturgique et sont aussi employés à divers moments « clés » de l’année, tant sociaux qu’agricoles, comme les vendanges, l’Epiphanie ou un mariage, par exemple.
  
Voilà de quoi souder les personnes entre elles autour d’un gâteau et d'un temps festif ! 
En effet, chaque forme de moule est porteuse d’un sens et son usage est lié à un évènement particulier.  
Le kouglof est une brioche typiquement alsacienne et de surcroit, l’un des emblèmes forts du patrimoine gustatif alsacien, avec la choucroute! Cette incontournable dessert est sucrée, mais elle peut aussi se confectionner salée, aux lardons et aux noix.
Lorsqu’il est sucré, la pâte levée est garnie de raisins secs trempés dans du rhum ou du kirsch. Le dessus du gâteau est ensuite recouvert d’amandes entières.
Le mot "kouglof" possède une orthographe variable. Ainsi vous pourrez le trouver comme suit : « kougelhof », « kugelhof », « kugelopf », « kougelhopf », « kugelhopf ». Cette douceur se trouve aussi  être une spécialité en Autriche, en République tchèque et en l'Allemagne du Sud. Certaines orthographes sont donc directement héritées des patois ou langues officielles de ces pays.
L'origine du mot viendrait de « gugelhupf » : « gugel » signifiant « cagoule » ou « chaperon » en français moyenâgeux relevant des régions limitrophes à l’Allemagne et « hupf » venant peut être de « hefe » signifiant « levure ».
Certains autres linguistes pensent que le mot vient de «kugelhut » : « kugel » signifiant « boule » et « hut » « chapeau ». Le «kugelhut » était le chapeau des parlementaires de Strasbourg de l'époque.
Il existe plusieurs légendes, expliquant l’origine du kouglof : vous choisirez celle qui vous plait le plus, car rien n’atteste de la véracité de l’une ou de l’autre, toutes sont un peu fantaisistes !
L’une d’entre elles affirme que la brioche alsacienne serait originaire de Bethléem. Un roi mage, en sortant de la crèche, y aurait oublié son chapeau, un turban en fil d’or serti de diamants en forme d’amande. A son retour de croisade, ce couvre-chef se serait retrouvé chez un pâtissier strasbourgeois, qui s’en serait servi comme moule. Ainsi serait né le « Kugelhopf », qui signifie « turban » ou « chapeau » en alsacien.
Une autre histoire attribuerait l’arrivée du kouglof en France à Marie-Antoinette, qui aurait introduit ce gâteau populaire à la Cour d’Autriche.
On raconte également que le kouglof serait le père du baba au rhum. Stanislas Leczynski (1677-1766), roi de Pologne et beau-père de Louis XV, avait installé sa cour à Lunéville, en Lorraine. Il trouvait le kouglof local un peu trop sec. Pour le satisfaire, sa pâtissière fait alors tremper le kouglof dans un sirop de sucre additionné de rhum. Un siècle plus tard, le pâtissier George importe le kouglof que nous connaissons aujourd’hui, de Strasbourg, tandis que son collègue Stoher fait du baba la spécialité de sa boutique au Palais-Royal.
Il existe à Ribeauvillé une légende qui prétend que cette pâtisserie fut confectionnée pour la première fois par les Rois Mages pour remercier un pâtissier local du nom de "Kugel" de son hospitalité et que la forme est héritée de leurs turbans. 
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Le kouglof est depuis toujours et traditionnellement préparé dans un moule en cuivre ou en terre cuite émaillée. Ce sont ces derniers que nous allons étudier. Un mot tout de même sur les moules en cuivre : la feuille de cuivre est mise en forme à la main, mais surtout sans soudure, par un dinandier.
Les moules miniatures, très souvent joliment enjolivés, sont dotés d'anneaux de suspension car ils étaient accrochés par les maîtresses de maison dans leur cuisine pour témoigner d'une certaine aisance financière et de la qualité gastronomique de la maison. 
 
Les moules à gâteau en terre cuite sont toujours vernissés à l'intérieur. Souvent, ils le sont aussi à l’extérieur car le décor est aussi visible à l’extérieur, lorsque le gâteau est plat ou du moins se pose à plat. Dans ce cas précis, le moule est pendu au mur, en guise de décoration, lorsqu’il ne sert pas.
Certains moules permettent de confectionner des gâteaux qui sont de petites sculptures : ces moules ont la particularité d’être en deux parties libres mais complémentaires, qui sont jointives et fixées par une ou deux charnières métalliques à ressort.
 
Ce type de moule est souvent doté de pieds, 3 ou 4, pour offrir une bonne position de cuisson, souvent la tête en bas ou sur le dos, lorsque le modèles offrent de belles formes développées, qu’il ne faudrait pas écraser lors d’une cuisson. L’extérieur n’est alors pas vernissé et les modèles anciens acquièrent donc au fil des cuissons, au cul, de belles noirceurs d’usage.
La couleur de la terre est souvent laissée visible, par un émail transparent. Il y a parfois un engobe, qui vient colorer la surface extérieure : ils sont alors verts, dans un ton de rouge, ou encore un brin jaune ocre, parfois très sombres, presque noirs.
Le moule pouvait être offert comme un présent de mariage, qu’il soit en cuivre ou en terre cuite.
Il s’achetait aisément et s’offrait couramment.
 
Voici les différents modèles de moules et leurs sens « cachés », qui font, aujourd’hui, le bonheur des collectionneurs : 
 
-Il y a bien évidemment le traditionnel moule à kouglof ou « kougelhopf » ou « gugelhupf ». Ce moule représentait à l'origine le soleil rayonnant des Celtes, vénéré par ces peuples.
-Le poisson est l’un des symboles de la Chrétienté. Lors du nouvel an, les Chrétiens s'échangeaient ce gâteau entre eux.
-Le poupon incarne l'enfant Jésus, emmailloté, qui vient de naitre. Ces moules étaient utilisés pour la fête de Noël et lors des baptêmes.
-Le cœur est à la fois celui des amoureux et celui de la passion du Christ lorsqu’il est ceint de la couronne d'épine et pour certaines pièces, agrémenté en plus d’une croix, un agneau ou les clous de la crucifixion. Ce sont les « Arma Christi », symboles de la Passion du Christ.
-La fleur de lys est l'emblème de la royauté. Ce type de moule était employé lors de l’Epiphanie qui est en quelque sort la fête des rois mages, mais aussi lors de l'anniversaire du monarque en place ou lorsqu’une famille noble locale fêtait un évènement particulier.
-L'écrevisse est le symbole de fécondité en raison du nombre important d'œufs qu'elle pond pour la reproduction.  On offrait le moule ou le gâteau lors des fiançailles ou des mariages.
-Le crapaud était censé avoir des pouvoirs de guérison contre la stérilité. Le fait de manger ce gâteau en forme de crapaud était un « remède » pour avoir des enfants.
-L'agneau symbolise l'Agneau Pascal que l'on s’offrait à Pâques. C’est l’ancêtre de l’œuf en chocolat.
-Le lièvre symbolise le renouveau du printemps car c'est à cette époque qu'on le voit à nouveau courir dans les campagnes, après un long hiver.
-La poule est un moule rarissime. Il existe seulement deux exemplaires connus.
-L'étoile symbolise la Nativité et l'adoration des Rois Mages.
-L'aigle à deux têtes est le symbole de l'empire prussien sous Guillaume II auquel l'Alsace et une partie de la Lorraine étaient rattachés de 1871 à 1918.
-L'aigle regardant en arrière est l'emblème de Napoléon III.
-Le panier de fruits, symbole d'abondance, était utilisé durant les récoltes.
-La grappe de raisins symbolise la récolte et était utilisé lors des vendanges.
-Le « Lintwurm » est une monstrueuse créature imaginaire d'Europe centrale et de Scandinavie. Il a un corps de serpent et une tête de dragon, ce moule est rarissime.
-J'ai trouvé un beau moule "Hansel et Gretel", reconnaissable car il présente deux bustes d’enfants accolés.
Il existe différentes tailles de moules, pas un modèle standard !
 
"Les moules que nous venons d’étudier sont fragiles, employés seulement une fois dans l’année, ils sont remisés au grenier, se détériorent et se cassent, ce qui explique la rareté de pièces anciennes et la continuité de production à Soufflenheim. Depuis une vingtaine d’années on a essayé d’introduire des moules en fer blanc, qui ont certes l’avantage d’être plus solides, mais selon les dires des boulangers et des pâtissiers, les biscuits que l’on y cuit n’ont pas le même goût ni la même saveur. Ainsi leur préfère-t-on, comme pour le Kougelhopf, les vieux moules en terre émaillée, qui au milieu de notre monde moderne, continuent à représenter une vieille tradition artisanale."
Adolphe RIFF, conservateur du Musée Alsacien.
«Les moules en terre émaillée en forme d’agneaux de Pâques en Alsace».
Revue des Arts et Traditions Populaires, VIIe année, n° 1-2, 1959
 
 
Ce type de moule se rencontre assez facilement sur le marché des antiquités. Soyez vigilants, il existe de très nombreuses rééditions ou des "vrai-faux" faits uniquement pour vous tromper et vous alléger de quelques euros.
Les prix sont très variés, tout autant que les formes ! Et comme indiqué ci-dessus, certains modèles sont plus rares que d’autres, donc les prix sont en corrélation avec la rareté, c’est évident.  Il est donc bien compliqué d’établir une côte ou un avis de valeur… Lors d’un achat, n’oubliez pas faire attention à l’état de la pièce, car la terre vernissée est fragile ! Mais le plus important est de se faire plaisir !
 
Source pour les formes de moules :
 
Pour voir une belle collection de moules alsaciens : http://www.museedemarmoutier.fr/ 

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