Afin de soutenir ses campagnes militaires longues et coûteuses pour le royaume, Louis XIV ordonne à ses sujets, en 1689 et en 1709, de se défaire de leurs objets en métal précieux pour les faire fondre et financer les guerres en cours.
Cet ordre aura pour conséquence un certain désintérêt des amateurs pour les objets d'usage courant en argent. Ceux-ci vont alors se tourner vers des réalisations au destin beaucoup moins périlleux, essentiellement des objets sculptés dans un bois très dur, d'origine lorraine dit « bois de Bagard » ou « de Sainte-Lucie ».
Ce matériau était beaucoup moins cher et plus disponible que l'ivoire ou la laque. Grâce à ce contexte historique favorable, les objets en bois de Sainte-Lucie connaîtront un immense engouement en France et trouvèrent le même destin dans d'autres pays d'Europe.
A l’époque, la Lorraine et sa capitale Nancy, formaient le duché indépendant de Lorraine et devinrent rapidement LE centre européen de fabrication de ces objets. Et donc très logiquement, ce sont majoritairement des artistes nancéiens qui travaillèrent le bois de Sainte-Lucie.
César Bargard, le maître en la matière
Le plus célèbre des artisants d'art à avoir travaillé ce bois précieux est César Bagard (1620-1709).
Oeuvrant à Nancy, son atelier était très renommé. Il fabriqua des miroirs, des coffrets, de charmantes petites boites, Il est l'auteur de statues religieuses de grandes dimensions très recherchées aujourd'hui. et de petites boites en « bois de Sainte-Lucie », d’une grande finesse.
Oeuvrant à Nancy, son atelier était très renommé. Il fabriqua des miroirs, des coffrets, des boites à perruques, des boites à poudre, des bougeoirs, des râpes à tabac, ...
Le maître recouvrait ces ravissants objets de rinceaux, motif décoratif très en vogue à cette époque.
Par assimilation et référence au célèbre artiste, le bois de Sainte-Lucie est devenu communément appelé « bois de Bagard ».
Il existe de très nombreux autres objets réalisés en bois de Sainte-Lucie : des crucifix, des bénitiers et des statuettes religieuses, complétés par une production d'objets de toilette ainsi qu'une multitude d'accessoires variés : tabatières, étuis à aiguilles, pièces d’échec, tabeautins, ...
La seconde caractéristique notable du bois de Sainte-Lucie : c’est son odeur très agréable. Elle peut s’obtenir en frottant vigoureusement le bois, ce qui le fait chauffer. Une effluve proche de la cannelle apparait alors et elle croit avec les années!
Ces objets, d’une grande élégance, sont aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs. Ce sont de ravissants objets de curiosité.
EN SAVOIR PLUS SUR LE BOIS DE SAINTE LUCIE
Le bois de Sainte-Lucie est un cerisier sauvage ou faux merisier, dont le nom latin est « prunus mahaleb ». Il porte des noms régionaux et locaux comme « quénot », « canot », « canonier », « moussis » en Saintonge, « amarel » et « prunier odorant ».
Il se croise en Lorraine, mais aussi dans les environs de Vérone, deux régions dont le climat est idéal pour eux. Mais il est important de souligner que cet arbre est aussi présent presque partout en France sauf en Bretagne, dans le Sud-Ouest et en Corse où il est très rare. Il n’y a qu’en Lorraine qu’il fût exploité et donc entretenu. Il est aussi présent en Europe, au Maroc et en Asie.
Il croît sur les coteaux rocailleux, les garrigues, les lieux secs, les friches, les lisières forestières et les fourrés. Il ne craint pas la sécheresse et résiste aussi bien à la chaleur qu'au froid.
Son tronc est tortueux et couvert d’une écorce tout d'abord lisse et grise puis noirâtre à pourpre. Ses fruits sont brillants, d’abord verts, rouges puis noirs, suivant le stade de maturation. Les fruits ne sont pas toxiques, mais peu consommés car très amers.
Mais, vous connaissez l'adage : "rien ne se perd, tout se transforme". C’est ainsi que les fruits furent utilisés (et le sont toujours) dans la fabrication de liqueurs. Par exemple en Bourgogne, vous trouverez le « Quenot », obtenur par macération dans du vin rouge avec adjonction d’alcool et de sucre. En Languedoc, les baies du bois de Sainte-Lucie sont mélangées avec de l'eau de vie et du moût de grenache noir. Dans les Hautes-Alpes, on fabrique toujours « la pétafouère », tirée de la macération des fruits dans de l'alcool, réputée pour aider à la digestion.
Aujourd'hui, ce bois est toujours utilisé en ébénisterie, pour la sculpture, comme bois à teindre, ou pour la fabrication de tuyaux et de fourneaux de pipes, de manches de parapluie.
Mais avant que les hommes ne se penchent sur cet arbre qui vaut de l'or, sachez qu'il faisait un très bon combustible, jadis utilisé par les boulangers pour chauffer leur four !